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Tuesday
Mar032015

Enfoirés et Indignés

Pour lancer la tournée 2015 des restos du coeur, les enfoirés sortent un clip où des stars multi-millionaires répondent à des ados inquiets pour leur avenir "à vous de jouer, mais faudrait vous bouger". De façon totalement inattendue et imprévisible, ceci passe très mal. Si la chanson est extrêmement critiquable, la violence et l'unanimité de la réaction ont aussi quelque chose d'interpellant.

Il est choquant que si peu de commentateurs se soient rendus compte que la chanson se moque au moins autant du discours des adultes que de celui des jeunes. Les indices (qui, je l'avoue, m'avaient également échappé à la première écoute) sont pourtant tout sauf subtils : le "Non" asséné en chœur d'un air bovin, le "Je rêve ou tu es en train de fumer?" manifestement hors-sujet, nous montrent des adultes faisant preuve d'une mauvaise foi évidente lorsqu'ils répondent aux inquiétudes des jeunes. Comme l'a depuis précisé Jean-Jacques Goldman, cet aspect caricatural du discours est voulu et essentiel pour comprendre la chanson.

Certes, quand un auteur se voit obligé de s'expliquer a posteriori, c'est que son texte n'était pas très bon. Mais que les critiques aient plongé aussi catégoriquement et avec si peu de discernement pour défendre les jeunes du clip agressés par des propos "complètement réac" n'est pas anodin : c'est le signe d'un désenchantement tragique, d'une conviction profonde que la jeunesse d'aujourd'hui est condamnée, qu'il n'y a plus aucun espoir, et que la nouvelle génération doit aujourd'hui être traitée avec tous les égards et les mines contries que l'on réserve habituellement aux cancéreux en phase terminale.

Pourtant, si la génération aujourd'hui à la retraite a effectivement bénéficié de circonstances particulièrement favorables, il faut rappeler qu'à leur naissance, aux alentours de 1950, un observateur objectif n'aurait probablement pas parié sur eux. Le traumatisme de la deuxième guerre mondiale était encore vif dans les mémoires, et la guerre froide naissante rendait la perspective d'une troisième, bien plus meurtrière, dangereusement réelle. Les grandes puissances menaient par proxy une guerre en Corée, causant en trois ans plus de victimes que toutes les interventions occidentales depuis le 11 septembre 2001 réunies.

L'Europe en ruines n'offrait que peu de réconfort, et bien des acquis sociaux qui nous semblent aujourd'hui évidents étaient encore à gagner : les congés payés, un chômage décent, l'accès universel aux soins de santé, le droit de vivre publiquement son homosexualité et, dans certains pays, le droit au divorce.

S'il est évident que le monde se porte mal en 2015, cela ne doit pas faire oublier qu'il allait encore bien plus mal en 1950, et que certains progrès réalisés depuis sont spectaculaires. En 1950, l'espérance de vie était en-dessous de 50 ans dans la moitié du monde, parfois loin en-dessous (23 ans au Yemen). Aujourd'hui, elle est au-dessus de 60 ans dans presque tous les pays, et seul le Lesotho, avec 48 ans, est encore en-dessous de 50. (www.bit.ly/kEEc5s) La proportion d'êtres humains vivant en état d'extrême pauvreté a été divisée par deux durant les 20 dernières années.

L'Europe occidentale, où vivent les enfoirés, est aujourd'hui bien plus riche qu'en 1950. (Le PIB de la région a été multiplié par 5)Certes, cette richesse est répartie de façon bien moins égalitaire qu'autrefois, et les revenus de la majeure partie de la population n'ont pas significativement changé en vingt ans. Mais ce n'est pas là une tendance inéluctable, seulement le résultat de choix politiques. Et une tendance causée par des choix politiques peut être inversée par d'autres choix politiques.

Justement, il est bien plus facile aujourd'hui pour tout un chacun de prendre part à la chose publique qu'à aucun autre moment de l'histoire. Un mareyeur sénégalais, s'il possède un smartphone, ce qui est probablement le cas, a un meilleur accès à l'information que n'avait le président des États-Unis dans les années 80. Dans les pays dits développés, presque tout le monde peut rendre ses idées accessibles au monde entier, sans dépenser un centime, et sans avoir à convaincre les rédac' chefs du Monde ou du Figaro que ce qu'il écrit mérite d'être publié. Vu qu'on est maintenant quelques dizaines de millions à parler tous en même temps, celui qui s'attend à ce que son premier billet fasse le tour du monde est certain d'être déçu, mais l'accès à la scène médiatique est néanmoins bien plus démocratique qu'il n'a jamais été.

Cette démocratisation ne reste pas confinée dans les blogs et les réseaux sociaux, mais impacte de plus en plus la politique "mainstream". La victoire de Syriza en Grèce, et la montée de Podemos en Espagne, partis qui n'existaient même pas il y a seulement trois ans, sont emblématiques. De façon moins réjouissante mais tout aussi spectaculaire, l'histoire de la N-VA, emmenée par un thésard en histoire sans expérience politique, qui en dix ans a totalement renversé l'échiquier politique Belge, montre qu'il est possible de faire bouger les choses, pour le meilleur ou pour le pire.

Tout cela suggère qu'il est bien trop tôt pour considérer la jeunesse de nos contrées comme une génération sacrifiée que l'on est moralement obligé de noyer sous notre compassion. Car s'indigner de la chanson des enfoirés, c'est aussi nier à cette jeunesse, et à tout le reste de la population, sa capacité à agir pour un monde meilleur.

Les voix qui hurlent contre les "propos réacs" tenus par les enfoirés envers ces jeunes indignés (mea culpa, j'en ai été au premier abord) ont déjà jeté l'éponge : oui, le monde est dans la merde, c'est la faute des baby-boomers, les jeunes vont devoir le subir, et le reste de la population n'a plus qu'à s'excuser avant de mourir.

Ce discours joue, bien inconsciemment, le jeu des conservateurs et des austériens qui veulent convaincre qu'il n'y a pas d'alternative à leur politique. Pourtant, il y en a. Oui, certaines erreurs sont irrécupérables : le changement climatique sera effectivement subi plus que contrôlé dans les décennies à venir. Les mesures que l'on pourrait prendre maintenant n'aideront plus les jeunes d'aujourd'hui, mais au mieux leurs enfants. Mais la plupart des autres maladies qui gangrènent notre système politique et économique n'ont rien d'incurable.

Le tollé autour de cette chanson des enfoirés démontre encore une fois que l'Art, même l'Art commercial un peu crasse qui s'exhibe sur TF1, même l'Art qui se vautre lamentablement et se prend les pieds dans son propre message, reste un puissant révélateur des malaises de la société. Il y a aujourd'hui une forte tendance à accepter le pire comme inéluctable. Mais l'histoire a montré qu'il ne l'est presque jamais.

On ne donnera certainement pas tort aux prognostics les plus funestes en se complaisant dans des excuses envers une jeunesse et une planète déclarées sacrifiées d'avance. Nous avons besoin d'un projet politique, et que tous, jeunes, actifs, retraités (ces derniers ayant aussi des possibilités d'action sur la vie publique inédits dans l'histoire de l'humanité) y participent.

La première étape est de réaliser que ni l'indignation, ni la compassion, ni la culpabilité ne peuvent à elles-seules constituer un projet politique. La deuxième étape est d'agir, et nombreux sont ceux prêts à le faire. À condition qu'on arrête de leur répéter que la partie est perdue d'avance.

Sunday
Mar012015

On ose spéculer sur la faim… et sur le reste

Oxfam France dénonce la spéculation sur le marché des matières premières agricoles, qui "aggrave la volatilité des prix alimentaires" et "[met] en péril le droit à l'alimentation de centaines de millions de personnes", et la presse relaye cette juste indignation. C'est vraiment le moins qu'elle puisse faire.

On peut cependant se demander s'il est justifié de ne s'intéresser qu'aux denrées alimentaires. En effet, d'un point de vue purement technique, la spéculation sur les produits agricoles n'est pas très différente des autres.

Émettons l'hypothèse que les paris de la finance sur les futures de silicium augmentent la volatilité des prix de cette matière première, et que ceci entraîne une augmentation faible mais réelle des prix de tous les appareils électroniques vendus dans le monde. Certes, que l'acheteur d'un iPhone 6 Plus doive débourser un tout petit peu plus pour acquérir son joujou est l'archétype du "problème de riche", et ne saurait, fort heureusement, susciter la même indignation que la mise en péril de l'alimentation de centaines de millions d'êtres humains.

Il n'empêche, l'habitant moyen de nos pays, qui ne craint pas pour son alimentation, doit-il accepter de payer tous ses achats un petit peu plus cher pour permettre au casino subsidié planétaire qu'est la finance contemporaine de continuer à opérer comme il le fait ?

De deux choses l'une : soit les arguments des financiers justifiant la spéculation sont fondés, et celle-ci, bien loin d'augmenter la volatilité, contribue à fluidifier les marchés en y augmentant la liquidité et en envoyant des "signaux" qui favorisent une rapide convergence des prix, au bénéfice de tous les acteurs. Auquel cas l'argumentation d'Oxfam est fallacieuse et l'indignation qu'elle suscite nulle et non avenue.

Soit, et ceci semble bien plus probable, les aspects positifs de la spéculation sont négligeables, et elle n'est qu'une ponction illégitime de la finance sur l'économie réelle. Auquel cas elle doit être interdite. Partout.

Friday
Feb062015

Sus aux rentiers !

Il est toujours intrigant d'entendre des gens a priori compétents utiliser un mot dont ils semblent ignorer la signification.

Dans le dernier Ce Soir ou Jamais de 2014, la journaliste économique Irène Inchauspé nous dit, en conversation avec Frédéric Taddeï :

— lutter contre les rentes, c'est plutôt une bonne idée
— vous parlez des rentes… les professions réglementées, les huissiers, les avocats ?
— …les professions libérales, oui, voilà.

L'économiste Natacha Valla enchaîne :

Par rapport aux rentes, moi je pense que les français sont suffisamment intelligents pour se rendre compte qu'ils vont payer moins cher quand ils vont acheter ou vendre leur maison…

Mario Draghi, dans une interview de 2012 sur la molesse de la croissance en Europe :

les entreprises profitent parfois de monopoles ou de rentes de situation […] Mettre fin à certaines rentes de situation est une question de justice.

Enfin, le Point faisait en septembre sa couverture sur la question "Qui sont les vrais rentiers" (sans point d'interrogation) et répondait : Professions réglementées, fonctionnaires…

Tous semblent d'accord que la rente, c'est très mal, et que c'est un privilège accordé à des individus ou des sociétés qui ont fait certains choix d'éducation, d'orientation professionnelle (pour les particuliers) ou d'investissement (pour les entreprises) qui leurs permettent de vendre un produit ou un service dans des conditions particulièrement avantageuses. Par exemple, un accompagnateur de train employé par la SNCF, profession qui dans la loi française bénéficie d'un statut spécial, statut qui, peut-être, lui offre un salaire anormalement élevé vu la pénibilité du travail et les qualifications que demande celui-ci. Admettons.

À ce stade, il me semble qu'un rappel au dictionnaire s'impose :

Rente, n.f.
  1. Revenu annuel
  2. (Vieilli) Ce qui est dû tous les ans pour un fonds aliéné, cédé ou affermé
  3. Ce qui est dû annuellement pour une somme d’argent aliénée par contrat
  4. Revenu obligataire
  5. Somme qu’on s’engage à verser à des échéances fixes
  6. Charge qu’on s’impose à soi-même et qui reviennent à peu près périodiquement

Vous allez peut-être me trouver trop littéral, mais je ne vois pas du tout le rapport entre ces définitions et l'usage qui est fait du mot "rente" ci-dessus. Une "rente", au sens strict, est une somme d'argent perçue à intervalles réguliers par quelqu'un en vertu du fait qu'il posséde quelque chose. (Une terre, un logement, des parts dans une société, etc.) Un "rentier" est quelqu'un qui vit, au moins en partie, grâce à de telles rentes.

Celui qui possède un logement où il n'habite pas, mais qu'il loue à autrui, est un rentier, même s'il travaille d'autre part et même si la rente de ce logement ne contribue qu'en faible partie à ses revenus. Celui qui possède son propre logement, qui a fini d'en rembourser le prêt, est également un rentier, pour une raison plus subtile : la propriété de son habitation lui évite des frais de location, et on peut donc considérer la somme mensuelle nécessaire à la location d'un logement équivalent comme faisant partie de ses revenus. En tirant un peu la corde, on peut considérer même un locataire salarié au SMIC, mais possédant une voiture, comme un rentier : la possession du véhicule lui offre un moyen de déplacement, qui sans cette possession occasionnerait des frais réguliers et probablement conséquents, et donc il bénéficie, objectivement, d'une "rente" sur sa Polo d'occasion, par exemple.

Il y a donc beaucoup de rentiers, au sens strict du terme. Mais ce sens strict ne s'étend quand-même pas aux cas évoqués au début de ce texte. Le simple fait d'être employé comme accompagnateur de train ne peut pas être assimilé à posséder quoi que ce soit. C'est seulement la conséquence d'un choix de carrière. Oui, peut-être que ce choix de carrière est trop valorisé. Je ne connais pas bien les avantages dont bénéficient les salariés de la SNCF, mais peut-être sont-ils indus, en tout cas on peut en discuter. Mais on ne peut pas appeler cela une "rente", sauf à faire perdre à ce mot toute sa signification.

De même pour les pharmaciens : pour exercer ce métier, il faut nécessairement avoir obtenu le diplôme correspondant et avoir triomphé du numerus clausus. Effectivement, quelqu'un qui est dans cette situation a le droit de vendre des médicaments, et ceux qui n'ont pas entrepris les mêmes études, ou qui ne les ont pas réussies, ou qui n'étaient pas assez bien classés pour obtenir le titre, n'ont pas ce droit. C'est peut-être un mauvais système — là aussi, on peut discuter, et je serai probablement d'accord que c'est un mauvais système — mais cela ne fait pas des pharmaciens des "rentiers".

Si les pharmaciens sont des rentiers, alors tous les gens qui ont un boulot demandant une quelconque qualification sont des rentiers. Un coiffeur ayant dix ans d'expérience obtiendra plus facilement un emploi de coiffeur que quelqu'un qui n'a jamais approché une paire de ciseaux d'une chevelure. Est-ce une raison pour dire que le premier possède une "rente" sur ses dix ans d'expérience ? Bien sûr que non.

Mais alors pourquoi donc tous ces gens extrêmement compétents parlent de "rente" et de "rentiers" là où ces termes n'ont pas leur place ? Il y a là une volonté politique évidente : à force de toujours dire que les "vrais rentiers" sont les fonctionnaires et les pharmaciens et les coiffeurs ayant de l'expérience, on fait progressivement accepter comme une évidence que les "rentiers", au sens strict, n'existent pas. Que ceux qui touchent des rentes, des vraies, sont nécessairement des gens qui ont travaillé très dur pour obtenir les possessions qui leurs rapportent ces rentes, et qu'ils les méritent amplement, contrairement à ces salauds d'assistés de pharmaciens et d'accompagnateurs de train.

Je peux parfaitement comprendre que cet état d'esprit ait cours aux États-Unis. Le plus riche américain, Bill Gates, est incontestablement un homme exceptionnellement intelligent, qui a créé énormément de choses qui sont utilisées à profit par des milliards de personnes dans le monde entier. De plus, les rentes qu'il touche sont maintenant consacrées à sauver des vies dans les populations les plus défavorisées au monde, en tentant avec un certain succès de guérir la malaria et le SIDA et d'autres atrocités de la nature. Et Bill Gates est loin d'être seul : Larry Page et Sergey Brin, fondateurs de Google, et respectivement 17ème et 20ème fortunes mondiales d'après Forbes, sont seulement les plus connus dans un groupe de rentiers qui ont créé leur propre richesse, pour le plus grand bien de tous. C'est en grande partie grâce à ces trois-là que je peux maintenant connaître le montant de leur fortune en quelques secondes (respectivement 81, 29.2 et 28.7 milliards de dollars). J'ai énormément d'admiration pour ces gens, et même si 30 ou 80 milliards c'est objectivement un peu beaucoup pour une seule personne, je ne vais certainement pas leur reprocher leur statut de rentier. Ni à qui que ce soit d'autre d'ailleurs. Il y a des rentiers très sympas. J'ai moi-même un ami rentier. Bref.

Mais… en France ? Vraiment, on réussit à vendre l'idée que les fortunes sont toutes construites sur l'entreprenariat et l'innovation technologique qui bénéficie à tout le monde ? Dans un pays où la première fortune, Lilianne Bettencourt, n'a jamais travaillé de sa vie ? (12ème fortune mondiale avec 36.8 milliards de dollars. Si vous suivez, oui, l'héritière de l'Oréal est plus riche que les créateurs de Google. Le monde va très bien. Circulez, y'a rien à voir.) Et où les quelques suivants, (Bernard Arnault, François Pinault, Serge Dassault, etc.) sont devenus milliardaires en réinvestissant des millions reçus en héritage pour racheter à bas prix des sociétés de mode, de luxe et d'armement, pour maximiser leur profit ? Cela est certainement une activité demandant énormément de travail et beaucoup d'intelligence — à leur place j'aurais probablement essayé de faire pareil, et sans doute je n'aurais pas eu autant de succès. Je ne dis certainement pas que ces gens sont des imbéciles paresseux. Seulement que leur contribution au bien-être de la société est nettement moins évidente que celles de Bill Gates ou Larry Page. Cela ne les empêche pas d'être milliardaires.

Être milliardaire, cela veut dire que si du jour au lendemain vous arrêtez de travailler et confiez vos avoirs à un gestionnaire de fortune, vous et vos descendants peuvent vivre le restant de leurs jours avec un revenu mensuel avant impôts de 4,17 millions d'euros par mois (supposant un rendement annuel très raisonnable de 5%), soit 1473 fois le revenu mensuel brut moyen en France. Largement plus d'une vie de salaire, qui tombe chaque mois, sans rien faire, parfois uniquement en vertu d'avoir bien choisi ses parents. C'est ça, un "vrai rentier".

Entendons-nous bien : je suis entièrement réceptif à l'idée que les professions réglementées en France doivent être réformées. Peut-être que le statut spécial des employés de la SNCF, hérité d'un âge où la profession de cheminot était extrêmement pénible, est aujourd'hui injustement favorable aux accompagnateurs de train, et gonfle artificiellement le prix des billets pour les voyageurs. Peut-être que des syndicats d'employés SNCF bloquent injustement une réforme qui serait bénéfique pour le pays. Peut-être que le monopole des pharmaciens n'est pas justifié, et que tout se passerait beaucoup mieux pour tout le monde si les médicaments non-soumis à prescription pouvaient être vendus en grande surface. (C'est le cas aux États-Unis, et ça semble plutôt bien marcher.) Peut-être que le système de license pour les taxis parisiens est archaïque et que le réformer et le libéraliser serait bénéfique pour tous les parisiens. Je connais mal tous ces dossiers, mais mon a priori est qu'effectivement, des réformes libérales dans ces secteurs seraient extrêmement positives. Et j'attends avec impatience un débat sérieux là-dessus.

On peut aussi défendre l'idée que le droit de léguer sa fortune à sa descendance est inaliénable, et qu'il serait immoral pour l'état de prélever des droits de succession sur un patrimoine qui a déjà été taxé. J'ai peu de sympathie pour cette position, mais oui, on peut discuter, évaluer les possibilités, voir les conséquences sociétales de différents choix en matière d'impôt sur le capital et de droits de successions, et décider en conséquence. De mon point de vue, un débat honnête bâti sur une représentation fidèle de la réalité est toujours utile.

Par contre, ceux qui veulent engager cette discussion en prétendant que "le vrai rentier", en France, aujourd'hui, ce n'est pas le milliardaire héritier de l'Oréal/Auchan/Vuitton, mais bien l'accompagnateur de train payé un salaire très moyen pour poinçonner votre ticket sur le Lyon-Paris, ceux-là, posent les bases du débat à un tel niveau de foutage de gueule que le dialogue en devient difficile.

Wednesday
Dec172014

Après la grève…

Monseigneur Vetinari, le génial despote éclairé d'Ankh-Morpork, doit son exceptionnelle longévité à une fine compréhension de la psychologie de ses sujets. En particulier, il sait qu'au-delà de leurs revendications plus ou moins explicitement révolutionnaires, ce qu'ils désirent au fond de leur coeur est que le monde de demain soit exactement, précisément, le même qu'aujourd'hui, que les choses restent comme ils en ont l'habitude.

On voit beaucoup de Morporkiens ces jours-ci en Belgique. Dans la rue, dans la presse, au pouvoir. Le gouvernement voudrait que les choses restent comme elles le sont, mais la population vieillit, l'état est endetté et déficitaire. Alors il ajuste au minimum : il monte un peu la manette "durée du travail", réduit un peu le curseur "indexation des salaires", histoire que tout revienne à peu près en équilibre sans que quoi que ce soit ne change pour les ministres et les employeurs.

Les syndicats ne sont pas contents. Ils refusent que l'on touche à ces manettes-là, préférant pousser un peu la manette "impôt des riches", histoire qu'eux puissent continuer à travailler le même temps pour le même salaire.

Une chose embêtante chez les gens qui ne veulent pas que les choses changent, c'est leur conviction que l'immobilité est non seulement désirable, mais possible, voir normale. Que le changement ne survient que suite à quelque mauvaise action, et qu'un petit réajustement suffit pour retrouver le status quo ante. Parfois, un status quo disparu depuis bien longtemps.

Nous dévelopons tous notre vision du monde entre l'enfance et le passage à l'âge adulte, en comparant ce que nous observons avec ce que nos parents et enseignants tentent avec plus ou moins de succès de nous transmettre. Et tous nous nous retrouvons un jour adultes, porteurs d'une référence plus ou moins consciente au monde tel qu'il était quand notre instituteur avait vingt ans. Pour la majorité des actifs européens aujourd'hui, cette référence se situe quelque part dans les trente glorieuses.

Cette période de notre histoire, caractérisée par une croissance spectaculaire par sa vigueur et sa durée, est de fait le standard par rapport auquel nous jugeons toutes les époques qui lui ont succédé. Il semble absurde, au simple niveau sémantique, qu'une période puisse être considérée à la fois comme "glorieuse" et "normale", mais c'est bien comme cela que nous nous la représentons. C'est par rapport à ce standard glorieux que toutes les années depuis 1973 sont divisées entre crises plus ou moins sévères et reprises plus ou moins dynamiques.

Comme le montre Thomas Piketty, avec l'avantage de quelques décennies de recul, ces 28 années n'avaient absolument rien de normal : une concentration des richesses extrêmement faible historiquement et une croissance économique dopée par le "rattrapage" de nos économies vis-à-vis du géant américain, beaucoup moins touché par la guerre, ont produit une société où, pour la première fois depuis des siècles, le travail était abondant et les êtres plus ou moins à égalité. Quand le capital accumulé au fil des âges a été détruit par trente ans de guerre, personne n'est riche, mais chacun a l'opportunité de le devenir par son travail.

C'est durant cette période que se sont développées à la fois nos valeurs libérales-égalitaires et la sociale-démocratie moderne, reposant sur un marché libre mais régulé, garant d'opportunités égales pour tous. Ceci est bien sûr une simplification grossière, mais néanmoins nécessaire pour résumer en quelques paragraphes le demi-siècle d'histoire qui nous a mené à la crise actuelle.

Les républicains américains et les socialistes européens ont des idées très différentes sur la meilleure façon de gérer un pays, mais tous sont d'accord, au moins en paroles, sur le but à atteindre : que toute personne courageuse, quelles que soient ses origines, ait la possibilité d'atteindre par son travail un certain comfort de vie. Que personne, aussi malchanceux soit-il, ne soit jamais totalement abandonné par la communauté.

De même, tous les pays occidentaux, des États-Unis à la Suède, sont grosso-modo sociaux-démocrates. Bien sûr il y a d'énormes différences de générosité entre l'état-providence américain et son homologue scandinave, mais les États-Unis ne sont pas exactement un "Wild West" où les perdants ne reçoivent aucun soutien de l'état, et la Suède repose sur une économie de marché qui a créé un nombre conséquent de milliardaires.

La fiscalité de tous les pays occidentaux est née de la confrontation de ces valeurs aux réalités économiques de l'après-guerre. Là aussi les différences sont significatives, mais ce ne sont que des déclinaisons d'une même recette : impôt progressif sur le revenu, taxes moins progressives sur la consommation, droits de succession relativement faibles, impôt sur le capital faible ou nul.

Durant les trentes glorieuses, la recette fonctionnait : il y avait beaucoup de laissés pour compte, mais l'état-providence leur évitait de justesse la misère, et ceux qui avaient beaucoup de courage et un peu de chance pouvaient accéder à la classe moyenne naissante.

Cinquante ans de progrès technologique et de concentration du capital ont radicalement changé la donne. Et c'est là que se trouve le noeud que la confrontation actuelle entre gouvernement et syndicats échoue à déméler : nos valeurs communes de justice sociale reposent sur une fiscalité conçue il y a soixante ans et totalement inadaptée à la réalité du 21ème siècle.

Depuis 1950, la valeur du capital privé détenu par les européens, exprimée en pourcentage du revenu national, a plus que doublé. Il n'est pas besoin d'être fin économiste pour comprendre ce que cela implique. Quand le capital est rare, presque toute la production de valeur vient du travail. Beaucoup d'ouvriers construisent des voitures avec peu d'outils. Et donc une grande partie du produit de la vente de ces voitures revient aux nombreux ouvriers sans qui les voitures n'existeraient pas. C'était la réalité en 1950.



En 1999, dans ses usines aux États-Unis, il faut à Toyota 15 heures-homme pour produire une voiture. Là non plus, nul besoin d'être expert en chaînes de production pour comprendre que ceci n'est possible que grâce à des machines, des robots, bref : du capital. On ne sera donc pas surpris que la grande majorité du produit de la vente de ces voitures revienne à ceux qui possèdent l'usine, pas aux travailleurs.

La même transformation opère dans tous les secteurs. Les ouvriers et employés se raréfient, une part de plus en plus grande de la production repose sur le capital. J'ai récemment été acheter des meubles Ikea, pour la première fois depuis longtemps. Il y a seulement quinze ans, ceci impliquait de nombreuses interactions humaines. On voyait des employés dans tous les rayons, prêts à répondre aux questions, aiguiller l'acheteur. La semaine passée, j'ai choisi mes meubles sur le site internet, exporté la liste des paquets sur l'application iPhone (très bien faite), puis traversé le magasin pour aller chercher mes boites dans les énormes rayons self-service avant de les scanner moi-même à la caisse et de régler l'addition via le terminal Banksys. Le parking s'étendait à perte de vue, des centaines de voitures étaient garées devant ce magasin qui reçoit des milliers de clients chaque jour. J'ai peut-être croisé 50 employés, dont la moitié travaillait dans le restaurant. Là aussi, il ne fait nul doute que l'écrasante majorité du produit des ventes de ce magasin revient à ceux qui possèdent le bâtiment et la propriété intellectuelle, pas à ses employés.

On a cru un temps que le salut de l'emploi en Europe viendrait des services, que les ouvriers délaissés par l'automatisation et les délocalisations pourraient se reconvertir. Mais cette opportunité est également en train de disparaître : les self-scans remplacent les caissiers, les applications "fitness" remplacent les "personal trainers", les technologies de l'information rendent le salaire d'un secrétaire de plus en plus difficile à justifier.

Et ce n'est que le début. Comme l'explique brillamment Jeremy Howard, les ordinateurs sont en train d'acquérir les compétences qui sont pour le moment rémunérées dans le secteur des services : voir, lire, compter, analyser, conduire.

Cela fait déjà quelques années qu'il n'y a plus aucune raison d'envisager employer des conducteurs pour opérer une nouvelle ligne de métro. Ce sera très bientôt vrai également pour les trams, les bus et les taxis. La voiture qui se conduit elle-même existe déjà : les prototypes de Google ont déjà conduit un million de kilomètres sans intervention humaine et sans incident. Elle doit encore être homologuée, et cela prendra du temps. Elle coûte un million de dollars, et cela est beaucoup. Mais le prix va baisser.

Une license de taxi parisien coûte 240.000€. Combien de temps avant que cela soit légal et plus avantageux de construire des taxis qui se conduisent tous seuls que d'employer des taximen ? 5 ans ? 10 ans ? Puisque l'on parle de politique Belge, rappelons que le gouvernement veut augmenter l'âge de la pension à 67 ans en 2030. Question : est-ce avant ou après que tous les taximen d'Europe aient perdu leur boulot ? Et que toute la part des revenus des transports publics qui revient maintenant aux conducteurs soit entièrement transférée à ceux qui possèdent les métros, trams, bus et voitures qui se conduisent tous seuls ?

Est-ce que quiconque, à la lumière de tout cela, croit sérieusement que la solution est de décaler de deux ans l'âge de la pension ? Ou d'augmenter légèrement l'impôt sur les revenus du capital ?

Le seul vrai problème est là : il est impossible de construire une société juste et équitable à une époque où l'écrasante majorité des revenus provient du capital, en se basant sur une fiscalité issue d'une époque où l'écrasante majorité des revenus provenait du travail. Pire, les forces vives de gauche et de droite que l'on voit s'affronter aujourd'hui sont toutes deux mal équipées pour gérer cette transition inéluctable.

Contrairement à ce qu'une certaine droite ultra-libérale voudrait nous faire penser, les syndiqués ne sont pas tous des égoïstes qui ne s'intéressent qu'à défendre leurs soi-disant "privilèges" au risque de faire crouler toute la société. Ce sont en grande majorité des gens courageux qui sont à juste titre fiers de leurs compétences et de leur capacité de travail, et qui voient de façon bien compréhensible la chute de leur pouvoir d'achat depuis deux décennies comme le résultat d'une prise de pouvoir injuste par des gens plus chanceux mais pas plus méritants qu'eux. Mais ceci n'enlève rien au fait qu'une bonne partie de leurs compétences est rendue progressivement obsolète par les avancées technologiques et la disponibilité croissante de capital.

Contrairement à ce qu'une certaine gauche voudrait nous faire penser, les patrons libéraux ne sont pas tous des égoïstes assis sur leurs privilèges et ne s'intéressant qu'à maximiser leurs profits en écrasant et exploitant les travailleurs qui sont les seuls véritables créateurs de richesse. La plupart pensent sincèrement que leur position dominante est justifiée, qu'ils ont simplement mieux géré leurs cartes dans un système qui donne des chances plus ou moins égales à tout le monde. Et, si l'on était encore en 1960, ils auraient probablement raison. Ceci n'enlève rien au fait que notre société devient de plus en plus inégale, et que de plus en plus de patrons, si travailleurs et courageux soient-ils, sont patrons en grande partie parce qu'ils sont nés au bon endroit au bon moment.

Je ne me prétend certainement pas neutre dans cet affrontement. Le combat actuel des syndicats me semble moralement beaucoup plus juste que celui du gouvernement et des grands patrons. Même si les grévistes ont ces dernières semaines parfois employé des méthodes qui me déplaisent, très rarement qui me révoltent, leur action était me semble-t-il absolument nécessaire face au projet gouvernemental. Si, comme on peut maintenant l'espérer, ils obtiennent du gouvernement un allègement de l'impôt sur les revenus du travail compensé par un accroissement de l'impôt sur les revenus du capital, cela sera indiscutablement un pas dans la bonne direction.

Malheureusement, cela ne sera qu'un tout petit pas. Tout le fond du problème restera à résoudre. Et tant que tout le monde restera persuadé que les choses n'ont pas fondamentalement changé depuis 1960, qu'il existe le moindre espoir d'amener une société juste et équitable en conservant un système né d'une époque révolue, les réformes réellement nécessaires resteront politiquement inatteignables.

Wednesday
Nov202013

On the Blackness of Black Peter

I spend a lot of time debating online, and I'm often surprised at what people get upset about. Last year, when the city of Brussels decided for once to replace its Norwegian-grown christmas tree with a modern tree-like sculpture made of steel, light and plastic, thousands of people flocked to internet forums to denounce this as an unacceptable attack on Western civilization. They claimed, on no basis whatsoever, that this was all a conspiracy by Belgian Muslims to undermine Christmas celebrations and pave the way for the establishment of Sharia law in Belgium.

There was not a shred of evidence for this, and it made absolutely no sense, but that didn't prevent numerous otherwise sane people from hurling obscenities at anyone cooly pointing out the facts of the matter and the complete absence of any controversy. One year later, as a very organic, European-grown tree is making its way back to Brussels' Grote Markt perfectly on schedule, some of these fools are still convinced that it's only through their "activism" that Brussels still celebrates Christmas.

So I've seen more than my share of people who voice angry opinions about things they know nothing about. Yet I don't think I've ever seen so much mindless rage as has poured over the Zwarte Piet controversy that now engulfes many of my friends' virtual walls and other usually pleasant discussion fora. Since this absurdity shows no sign of blowing over anytime soon, I thought I'd here lay down the facts as best I understand them, so I can point to this post in any future discussion. I'm not sure it will convince anybody, but it will sure save me a lot of typing.

So here's a very abbreviated list of arguments I've seen spouting all over the internet, and why they don't make any sense.

"The UN is threatening to ban Zwarte Piet"

No, it's not. Some people who think Zwarte Piet is a racist symbol got to the UN's attention, and its Human Rights Council asked the government of the Netherlands for clarification, which it gave. That sums up the extent of official involvement on this.

Shockingly, the UN does not have the authority to ban cultural demonstrations in its member states. Its UNESCO specialized agency has the authority to investigate cultural and educational issues on an advisory basis, which is what it's doing here. End of story.

"The UN is wasting valuable resources investigating this"

Actually "investigating" is much too strong a word. The UN's Human Rights Council received a complaint from something called the Working Group of Experts on People of African Descent, a group consisting entirely of volunteers and apparently unaware that the whole of humanity is of African descent.

In response to the complaint of these unpaid volunteers, UNHRC wrote one letter in January, to which the Dutch government replied in June. I don't know how many letters those two entities write each year, but I'll venture that it's enough that two additional missives don't make for an overwhelming burden.

"We've been doing this for thousands of years, why is the UN attacking an age-old tradition now?"

I like this one a lot, because it happens to be wrong on all possible levels.

While the closely-related holiday of Christmas does go back thousands of years, even to pre-Christian traditions, the first references to Zwarte Piet only appeared in the middle 19th century, and the character continuously evolved well into the 20th. As age-long traditions go, this is a very recent one.

More to the point, the character was not suddenly made controversial by the United Nations. Dutch citizens of all races have raised concerns about him for at least a generation. It seems that the UN probe originates from Dutch citizens who, unsure on whether they'd get a fair hearing in the Netherlands, looked for international mediation.

And obviously, just because we've done something a certain way for a long time doesn't absolve it from reconsideration. Slavery, denying the vote to women and bullfighting are only three examples of despicable practices that endured for centuries before anyone started questioning them. I'm sure you can name many more.

"There can't be anything racist about Zwarte Piet because he's not black! He's just a chimney sweep whose face is covered in soot."

I've seen this raised a lot by French-speaking Belgians, who kinda-sorta-have a bit of a point.

The legend of Père Fouettard (literally "whipping father", the French equivalent of Zwarte Piet), as told in north-eastern France and French-speaking Belgium, is different from its Dutch counterpart, and goes something like this : a greedy innkeeper kidnaps three wealthy kids on their way to a prestigious boarding school in order to rob them. He slits their throats and, in some versions, hack them to pieces and cook them in an earthy stew for his evening dinner. A passing Saint-Nicholas discovers the crime, resurrects the children and binds the innkeeper to his service. He now follows him on his errands, sweeping chimneys for Saint-Nicholas to crawl into, and punishing ungodly or otherwise bad children who deserve no gifts but that of a sound whipping.

In some parts of France the character is still undoubtedly pictured as a White chimney sweep:

 

Elsewhere, however, especially in Brussels, the character is represented exactly as he is in the Netherlands, like this :

 

Now, this curly-black-haired dude wearing lipstick might very well be a chimney sweep (although judging by his impeccable colorful clothes he must have changed since his last assignment), but then he's a black chimney sweep. Incidentally, the above image happens to be the cover picture for a facebook group dedicated to defending the character against the mighty UN. It has nearly 50.000 members, many of whom repeatedly assert to anyone who'd listen that the guy pictured there is clearly white.

Now, it's perfectly fine for reasonable people to disagree on whether or not the legend and its current representation raise the question of racism. But anyone who says the UN is deeply misguided about the nature of Zwarte Piet only betrays his ignorance. The Dutch character is not, and has never been, a chimney sweep. He's simply the black servant of Sinterklaas.

If you're disinclined to trust me on this, just read the Dutch government's answer to the UN questions. It clarifies some confusion on whether or not the Dutch government is planning to nominate the Sinterklaas festival as a piece of Intangible Cultural Heritage worthy of safeguarding, and emphasises that the Dutch government does a lot to prevent racial discrimination, which it certainly does.

But at no point does the official response of the Dutch government raise any question on the ethnicity of Zwarte Piet. He's a black guy. Always has been. If you don't know that, you don't know anything about this controversy.

"This is one more attempt to undermine our culture by outsiders, who resent Western civilization, want to divide us, and are sure that all white people are racists"

I've kept that one for last because it is the most insidious. Again, before it was an international phenomenon, this was for years a controversy among Dutch citizens, so the claim that this is an attack by "outsiders" is patently false.

But what makes this claim especially loathsome is that many of the complaints voiced against Zwarte Piet were made and are made by Black Netherlanders of Surinamese and Antillean descent. Why are these Black people Dutch citizens ? Because a few centuries ago, the Dutch Empire claimed Suriname and the Antilles as colonies, enslaved the local population and brought African slaves there for economic benefit. It takes a very special combination of ignorance and xenophobia to describe as "outside aggression" the concerns of Dutch citizens who live in the Netherlands only because their ancestors were once the personal property of the Dutch Empire. Here again, if you don't know this, you have no business being upset about any aspect of this controversy.

Many people also want to blame Muslims for this, for some reason. Here's a recent post on that same pro-Père-Fouettard group:

 

This is, if at all possible, even more ridiculous. Suriname and the Dutch Antilles are overwhelmingly Christian and have negligible Muslim populations. The only evidence I've found that the Muslim minority in the Netherlands care at all about this is a survey that found many Dutch Muslims understand how the character of Zwarte Piet might be considered offensive by... black people.

In conclusion

I have not adressed in the above the question of whether or not the Zwarte Piet character is in any way racist. Nor am I going to make any suggestion on whether or not the celebrations of Sinterklaas should be changed or in what way. This is ultimately for the Dutch to decide. It almost goes without saying that I don't wish the character to be obliterated. No-one wants that. He's part of our history and shared heritage, even if the Dutch government won't make that claim to UNESCO just yet.

What I do wish is that more people would take the time to study the symbolism behind the character. While he's today only a playful candy-giving fool, studying the legends behind his existence and the society where they evolved is deeply enlightening.

Most of all, I wish everyone who has fond childhood memories of Sinterklaas celebrations would pause a moment before joining a protest group on facebook and writing knee-jerk reactions to things like the recent UN probe. I get why you might understand any suggestion that one of your beloved childhood characters might be racist as an accusation that you, yourself, are racist. But that's not what the UN is saying. That's not what I'm saying. That's not, as far as I can tell, what anyone who has voiced an opinion on this is saying. We just want people to reflect a little on how the character came to be represented as he is. Try it, you may find the exercise is worth your time.

This has turned out so long that I feel a need to thank those who unwittingly contributed to it. While there's a lot of original research in the above, I would never have taken such an interest in, nor learned so much about this issue, without the writings of and discussions with Caroline Sägesser, Marcel Sel, Aziz Madrane and Séverine de Baets. Obviously none of them has read this at the time of publishing, and any mistake is solely mine.